Soudain la musique.

Elle est là avec moi tous les jours de ma vie depuis si longtemps. Elle flotte à mes côtés, constante et insistante. À force, il y a des jours où elle ne me dit plus rien, puisqu'en faire un métier est si difficile, puisqu'elle prend mille formes plus ou moins désirables. La musique est un show d'été devant un parterre de chaises pliantes, la musique est un local de répétition sale, la musique est un mois de janvier à 30$, la musique est un show de bar qui vous détruit les oreilles, la musique est un flot incessant de travail pour la récompense rare d'un bon show, de temps en temps, dans une bonne salle avec un bon public, pour une bonne paie.

La musique jeudi dernier était celle que j'avais à écouter pour préparer une gig de mariage, pressée chez moi, un midi d'été. J'écoutais d'une oreille extrêmement distraite en mettant le linge à laver. De la musique brésilienne, pour être précise, puisque le mariage était celui d'un brésilien avec une québécoise.

C'est là que tout à coup. C'est là que soudain.
Soudain la musique.

Soudain la musique entrée en moi sans prévenir, faisant ravages. Soudain moi qui linge sale dans les mains pleure. Soudain moi qui écoute. Soudain moi touchant au sublime, passionnée de nouveau, totalement, extrêmement vivante.

Un chef d'oeuvre c'est peut-être cela, le morceau qui vous attrape dans le détour quand vous ne vous attendez plus à rien, celui qui vous sort du marasme et refait de vous un passionné.

J'ai cherché à comprendre pourquoi. C'est une belle mélodie. C'est un bel arrangement, une belle version, sans doute. Le choeur de femmes m'a émue, l'unisson des voix est si limpide. Le plus simple a si souvent le plus d'éclat. Puis il y a dans la musique brésilienne cette chose rare, la joie et la tristesse en même temps, ce sentiment extraordinairement complet, le célèbre «saudade». Toutes ces raisons n'expliquent rien pourtant, parce que l'état de grâce est aussi dans l'oreille de celui qui écoute, et que le mystère de ce qui résonne en nous restera toujours entier, heureusement. Voici, quand même, en espérant vous voir arrêter votre ménage un instant pour goûter un peu d'éternité, et si ce n'est pas par ce morceau, je vous souhaite bientôt le vôtre.