Le printemps, l'ailleurs et la liberté


La remise au monde est collective. Tous, toutes, surgissons à nouveau, dans de nouveaux habits, offerts au monde comme les fleurs jaillissantes, fragiles et excités comme les petites feuilles vert tendre qui nous titillent le regard. Nous nous épions du coin de l'oeil, surpris de nous découvrir, ne pouvant croire que ces gens, ces gens heureux et souriants, sont les mêmes que nous croisions taciturnes dans la rue il y a si peu. 

Mon amoureux brésilien affirme que le printemps québécois, c'est le carnaval brésilien d'ici. Un très long carnaval, doux, qui s'étire dans le temps comme un chat au soleil. Il dit que sans le carnaval québécois, il ne sait pas s'il pourrait vivre ici. 

Chaque année à pareille date me revient avec une étrange férocité le goût du voyage, comme si les effluves du printemps se faisaient écho de l'ailleurs. Ailleurs, me chuchote la brise nouvellement tiède, délicieuse. Et je me laisse envahir par les fantasmes, partir, marcher dans les rues d'une ville inconnue, entrer dans un bistrot, prendre un verre avec le premier venu. Ce n'est pas que je veuille vraiment partir d'ici. C'est seulement que, tout à coup, je me sens libre. Je veux toucher à ma liberté. Je cherche les moments de grâce. Je les appelle. Comme nous tous, alors que nous nous asseyons sur les terrasses, à l'affût du bonheur. 

La liberté est dans l'idée qu'on s'en fait. Elle est dans l'envie de partir. Dans le premier trajet en vélo, alors que nous redécouvrons comme des enfants le plaisir du mouvement au grand air. Le printemps, c'est la liberté, parce que tout est devant. C'est l'état de grâce, ce moment exact et très bref où nous rêvons tous, collectivement, du plus bel été de notre vie, avant d'avoir les deux pieds dedans, avant de nous rendre compte que c'est déjà le mois d'août.

Je vous souhaite un sublime carnaval, soyez libres et heureux.