Portrait no 4

Vous êtes assise sur un banc
Vous êtes pliée sur un banc
Il faut dire les choses telles qu’elles sont
Vous êtes pliée en deux et vous gémissez
Il fait très froid. Il n’y a pas grand monde. Il y a la nuit.

Je suis là
Près de vous soudain
Vous entendez ma voix
Vous dites que oui, vous avez besoin d’aide
Vous dites des mots que vous seule comprenez
Vous en dites plusieurs
J’entends «j’ai froid»

Vous voulez vous réchauffer là-bas
Mais là-bas c’est fermé
Je pense au métro
Je vous le dis
Vous vous accrochez à mon bras
Vous êtes pliée en deux sur mon bras
De mon autre main je tire votre chariot
Nous allons dans le métro

Je vous dis
Tenez bon on est presque arrivées
Ne vous inquiétez pas je suis là
Vous continuez de dire des mots que vous seule comprenez
J’entends «grosse couverte»
Je vous montre un banc, je vous aide à vous assoir au chaud

Je pars chercher de l’aide
Je pars chercher de la nourriture
Je pars chercher à boire
Je suis dans le froid et la nuit et j’ai des ressources

Quand je reviens, vous êtes si pliée qu’on pourrait croire qu’il n’y a qu’un manteau sur le banc

J’ai peur que vous soyez morte
Je vous parle, je vous appelle
Vous n’êtes pas morte
Vous ne voulez pas boire
Vous prenez une bouchée de barre tendre

Je vous dis : ne vous inquiétez pas, on va venir vous aider
Je vous dis : courage
Je m’en vais
Je m’en vais dans la nuit avec mes ressources
Je rentre chez moi
J’ai un lit
Je dors bien