la tête vagabonde
C’est dimanche matin et je suis assise dans ma
cuisine. Pendant que mon enfant joue avec un truc en plastique, je coupe des
fruits pour en faire une salade parce que je reçois pour le brunch. La radio
est ouverte et j’écoute les nouvelles. J’apprends par la voix posée d’un homme
qui articule bien qu’un typhon a ravagé les Philippines. Je pense un instant,
profondément, aux gens là-bas, morts, disparus, et à ceux qui restent, en
deuil, affamés, portant leurs enfants sur les routes, ne sachant où aller, que
faire, au bord de l’abime ou en plein dedans. J’y pense beaucoup et je me sens
triste d’une tristesse miséreuse, sans ressources, sans espoir. Puis mon regard
croise la papaye orange et juteuse que je suis en train de couper, son
étiquette «Product of Mexico» s’installant dans mon œil au passage. Je
pense : cette papaye est délicieuse.
Et c’est là dans cette pensée de ma tête
vagabonde que s’installe la fin du monde, insidieusement, ordinaire comme un
jour de novembre.