Comment fait-on pour commencer.

Le premier texte pourrait s’appeler «comment fait-on pour commencer». Il pourrait dire que les débuts sont toujours les plus difficiles, que la première phrase à écrire est celle qui donne le plus de fil à retordre, et aussi y aller de quelques dictons : il n’est jamais trop tard pour bien faire, à chaque jour suffit sa peine, cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. Le premier texte pourrait me donner le droit de publier quelque chose parce qu’il serait au courant de ce qu’il est, un texte simple avec des idées en désordre, peu travaillé. Le premier texte, au lieu d’être bon, pourrait être médiocre, comme ça les suivants auraient moins de pression. Puis le premier texte ne servirait qu’à ouvrir le chemin, comme un bon chien aimable, voilà, c’est par ici, il suffit d’avancer maintenant.

Dans le premier texte je n’expliquerais rien, je n’essaierais pas de dire qui je suis, encore moins ce que je fais. Le premier texte ne dirait rien d’important. Il ne parlerait pas de politique, ni du sort du monde. Seulement de promenade. En fait, il serait cela : des mots en promenade, qui prennent leur temps parce qu’ils ne savent pas où ils vont. Des mots de tous les jours, ordinaires. Le premier texte serait ordinaire.

Moi, l’auteure du premier texte, je pourrais alors dire que j’ai commencé. Je pourrais même le dire à d’autres qu’à moi-même. Le premier texte me permettrait de faire une entrée discrète dans le monde. Il ouvrirait la porte, pas la grande, la toute petite, celle qui grince, celle d’en arrière. Il ouvrirait la porte pour moi et, une fois dans le monde, me donnerait le droit de dire hum, hum. Excusez-moi, j’ai écrit un texte. C’est le premier texte. Je ne savais pas comment on fait pour commencer, alors j’ai fait semblant, et me voici.

Et le monde se dirait, bon, encore une qui veut parler. Mais comme il est curieux, grâce au premier texte, j’aurais peut-être un premier lecteur. Et à ce premier lecteur, je dis : bonjour, enchantée.

Comment fait-on pour commencer ?